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Revue de presse sur la situation en Irak

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LE MONDE DIPLOMATIQUE PRÉSENTE Un cahier spécial sur le Golfe

Le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissaient le Koweït. En quelques semaines, une coalition de 26 pays, sous commandement américain, se mobilisaient dans le Golfe. Après une offensive aérienne et terrestre des forces alliées, les troupes irakiennes évacuaient le Koweït et un cessez-le-feu était conclu au printemps 1991. Mais l'embargo instauré par les Nations unies après l'agression était maintenu au nom de nouveaux objectifs, dont le principal était le désarmement de l'Irak. Dix ans plus tard, le conflit perdure. Pour mieux comprendre les enjeux et les conséquences de cette guerre d'usure, Le Monde diplomatique propose un “ cahier ”, disponible depuis son site, rassemblant des rapports officiels, des chronologies et des présentations des grandes questions clefs. Une base documentaire permet d'approfondir les sujets traités sur le site à travers une bibliographie et un rappel des articles déjà publiés sur la question par le mensuel. On pourra lire notamment les principales déclarations des dirigeants des grandes puissances, notamment des Etats-Unis, de la Russie, de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Union européenne ainsi que les positions des organisations internationales et régionales. On peut également consulter sur le site l'ensemble des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. La politique de sanction aboutit à la destruction de l'Irak à petit feu, comme le rappellent les chronologies qui retracent l'aspect militaire du conflit, les bombardements et raids menés depuis la guerre du Golfe. Alliés à un embargo drastique, ils ont abouti à un “ état de décrépitude et de délabrement ” du pays, selon les rapports des organisations humanitaires et internationales qui travaillent sur place. La mise en oeuvre du programme “ pétrole contre nourriture ” a certes autorisé l'importation de nourriture et de médicaments, mais elle ne permet pas à Bagdad de reconstruire ses infrastructures civiles, ni de relancer son économie. Et si certains pays, comme la France, souhaitent une levée ou une suspension de l'embargo, ils se heurtent au veto des Etats-Unis.

Cette politique des Etats-Unis a pris une nouvelle dimension avec la signature, par le président William Clinton, de l'Iraq Liberation Act, le 31 octobre 1998. Washington a notamment constitué une enveloppe de 97 millions de dollars pour soutenir l'opposition à M. Saddam Hussein. Ce “ cahier Irak ” aborde également les autres crises de la région, notamment celles liées aux aspirations nationales des peuples palestinien et kurde. Il permet à l'internaute de disposer des données de base pour comprendre un des conflits les plus dangereux de la planète. Cahier réalisé par Alain Gresh, Emmanuelle Pauly, Philippe Rivière, Florence Touret Cartographie : Philippe Rekacewicz et Cécile Marin Graphisme : Arnaud Martin

Un pays sous embargo

“ L'imposition de sanctions à l'Irak, décidée par le Conseil de sécurité des Nations unies, peut se comparer à une guerre non déclarée. Pour la population, les résultats sont les mêmes : mêmes destructions de son bien-être, même hypothèque sur son avenir. ” Denis Halliday, responsable du programme humanitaire de l'ONU pour l'Irak. Il a démissionné de ses fonctions en octobre 1998, pour protester contre le régime de sanctions imposé au pays. Dès l'invasion du Koweït en août 1990, l'Irak est soumis à un embargo total. Inauguré en 1996, le programme pétrole contre nourriture permet l'importation de nourriture et de médicaments. Un soulagement mais les sanctions continuent de tuer, selon les estimations irakiennes, 8 000 personnes chaque mois en Irak, 30% de la population souffre de malnutrition. Le 17 décembre 1999, pour la première fois depuis neuf ans de sanctions imposées au pays, la résolution 1284 du Conseil de sécurité a autorisé une suspension des sanctions en échange d'un contrôle du désarmement irakien par une nouvelle commission des Nations unies en remplacement de l'Unscom. L'Irak a rejeté cette résolution. La Chine, la France et la Russie se sont abstenus souhaitant une levée et non une suspension des sanctions et un arrêt des bombardements britanniques et américains. Chronologie De l'embargo voté par le Conseil de sécurité de l'ONU le 2 août 1990 à la mise en place du programme pétrole contre nourriture en 1996 et à sa reconduction en novembre 1999 pour six mois. Des sanctions qui tuent Présentation du programme pétrole contre nourriture et rapports du bureau des Nations unies chargé de son application et des organisations internationales sur la situation humanitaire du pays. / Le programme pétrole contre nourriture / Les rapports des organisations internationales Un pétrole convoité Quand le programme pétrole contre nourriture débute en décembre 1996, beaucoup de sociétés et de gouvernements étrangers voient là un premier pas vers un retour de l'Irak sur le marché pétrolier après une interruption depuis la guerre du Golfe en août 1990. Mais les exportations de pétrole irakien restent limitées par l'ONU et par l'état des infrastructures du pays. / La reprise de l'activité pétrolière / Le pétrole dans la région

Les rapports des organisations internationales

Explanatory Memorandum Regarding the Comprehensive Embargo on Iraq Rapport de l'organisation américaine Human Rights Watch dénoncant les effets dramatiques de l'embargo pour l'Irak. Le rapport reprend notamment les conclusions des experts mandatés par le Conseil de sécurité pour faire le point en 1999 sur les conditions humanitaires dans le pays.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/huma-rightswatch-memo

Rapport de l'Unicef sur la mortalité infantile Rapport de l'Unicef sur la situation des enfants irakiens. Depuis 1991, le taux de mortalité infantile a doublé dans le pays.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/unicef199908

Rapport de la FAO sur la situation alimentaire mondiale Extrait du rapport de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture sur la situation alimentaire mondiale et dressant la liste de trente pays souffrant de pénuries alimentaires graves, dont l'Irak.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/huma-fao-juin1999

Rapport de la mission du PAM en Irak Bilan dressé par le Programme alimentaire mondial de l'opération d'assistance aux personnes souffrant de malnutrition, patients des hôpitaux et résidents d'institutions sociales et de la mise en place de la résolution 986 du Conseil de sécurité de l'ONU. Présente les phases V (décembre 98-juin 99) et VI (février 1999-janvier 2000) du plan de distribution.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/huma-pam-decembre1998

Les activités de l'OMS sous la résolution 986 Bilan des distributions des médicaments par l'Organisation mondiale de la santé dans les différentes régions et de l'allocation des dépenses dans la distribution de médicaments, la réhabilitation des infrastructures.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/huma-oms-aout1998

Les activités de l'OMS sous la résolution 986 Données chiffrées de l'Organisation mondiale de la santé des plans de distribution ; description des interventions de l'OMS (distributions de médicaments) et bilan de l'embargo sur la santé de la population irakienne : chiffres sur les cas de typhoïde, malaria, choléra.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/huma-oms-avril1998

Rapport de la mission FAO/PAM en Irak Bilan de la mission menée conjointement par l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et le Programme alimentaire mondial du 9 juin au 8 juillet 1997. Conséquences de l'embargo en matière de nourriture, sur la production, sur les systèmes de rationnement mis en place par les Nations unies et sur l'aide alimentaire d'urgence.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/huma-fao-octobre1997

La situation sanitaire de la population en Irak depuis la crise du Golfe Etude exhaustive de l'Organisation mondiale de la santé de l'impact de l'embargo sur la population irakienne : doublement du taux de mortalité infantile, problèmes d'irrigation pour la production agricole, épidémies de malarias, méningites, typhoïdes.

http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/huma-oms-mars1996

Il faut en finir avec le blocus qui dévaste l'Irak. Mais attention à ne pas offrir un soutien implicite à Saddam Hussein.
Non à l'embargo, non au tyran

Les initiatives se multiplient pour briser l'embargo qui accable l'Irak depuis dix ans. En août, le président vénézuélien Hugo Chavez a été le premier chef d'Etat à effectuer une visite à Bagdad depuis la fin de le guerre du Golfe. A son tour, son homologue indonésien Wahid a annoncé sa prochaine venue en Irak. Une délégation russe conduite par un vice-ministre s'est posée sur l'aéroport de Bagdad qui venait de rouvrir. La Turquie envisage, elle, d'établir une liaison ferroviaire avec son voisin méridional. Enfin, quatre associations françaises, soutenues par des personnalités issues de divers horizons professionnels et politiques, affrètent ce vendredi un avion reliant Paris à Bagdad, dans le but de “violer légalement l'embargo aérien sur l'Irak” (lire aussi page 10). Il faut en effet suspendre les sanctions contre l'Irak. Elles sont “cruelles, inefficaces et dangereuses”, comme l'a réaffirmé Hubert Védrine dans un récent entretien au journal arabe Al-Hayat. Cruelles, parce qu'elles affectent surtout le peuple. Inefficaces, parce qu'elles n'infléchissent pas la position de Saddam Hussein. Dangereuses, parce qu'elles désespèrent toute une jeunesse, “génération perdue” selon un diplomate occidental. Après une décennie d'embargo draconien, l'Irak est isolé, brisé, anémié. Pour un pays qui, avant la guerre, importait près des trois quarts de ses moyens de subsistance, les sanctions ont eu un effet dévastateur. Des pénuries alimentaires et de médicaments ont fortement pénalisé les Irakiens, au point de nuire gravement à leur santé. Des enfants naissent avec des malformations; la plupart souffrent de malnutrition; nombreux sont ceux qui meurent de maladies guérissables: l'Unicef estime que la mortalité infantile a plus que doublé en dix ans.

Institué en 1996, le programme “pétrole contre nourriture” - qui permet à l'Irak d'échanger du brut contre des produits de première nécessité - a quelque peu soulagé les affres de la population dont la vie quotidienne reste soumise à un strict rationnement en vivres, en eau potable et en électricité. La situation s'est de nouveau détériorée en décembre 1998. Depuis cette date, les forces américaines et britanniques bombardent presque chaque jour des cibles irakiennes dans les deux zones d'exclusion aérienne situées au nord et au sud du pays et instaurées en avril 1991 pour protéger respectivement les Kurdes et les chiites. Ces raids auraient fait 302 tués et plus de 900 blessés, d'après un décompte de l'AFP qui cite l'exemple d'un berger de Mossoul et des six membres de sa famille écrasés sous leur tente.

Cet acharnement anglo-américain est “inutile et incompréhensible”, pour reprendre les termes de Hubert Védrine. La politique américaine apparaît même contradictoire, puisqu'elle a atteint le contraire de ce qu'elle recherchait: le désarmement de l'Irak n'est plus sous contrôle de l'ONU depuis le déclenchement des frappes aériennes et le retrait de l'Unscom, la commission internationale chargée de cette mission. Et la nouvelle commission, l'Unmovic, bien que techniquement opérationnelle, n'est pourtant pas prête de reprendre les inspections. Quant au renversement de Saddam Hussein, il semble tout aussi hypothétique. Réprimée par le pouvoir et déchirée par des luttes internes, l'opposition n'offre aucune alternative crédible, malgré les abondantes subventions américaines. On peut finalement se demander si la stratégie américaine ne vise pas plutôt à conserver l'épouvantail irakien, afin d'entretenir l'inquiétude et faciliter la pénétration des Etats-Unis dans la région.

Mais cette politique montre ses limites et ses incohérences. L'embargo bénéficie doublement à Saddam Hussein: d'une part, il tire des profits substantiels de la contrebande de pétrole; d'autre part, il “exploite la souffrance des civils” comme l'admet Madeleine Albright. En outre, les experts estiment que l'Irak a été très largement désarmé. Le Pentagone a d'ailleurs reconnu que l'Irak “ne menace plus ses voisins”. Dans ces conditions, les sanctions ne se justifient plus. Il convient du reste de s'interroger sur les finalités et les modalités d'une politique d'embargo dont les dégâts humanitaires sont inversement proportionnels à leur impact politique. Faut-il pour autant prendre “un avion pour l'Irak”? Certes, les résolutions de l'ONU n'interdisent pas formellement les vols passagers, du moment qu'il n'y a pas de transactions financières. Oui, les sanctions sont source de détresse, de misère et de corruption. Il est vrai enfin qu'il faut remédier à la “situation inique” qu'évoquent les initiateurs de cette opération. Mais la cause humanitaire - aussi nécessaire et noble soit-elle - ne peut servir à occulter l'implacable réalité du régime irakien, au risque de l'absoudre ou pire de le cautionner. Telle qu'elle est présentée par ses organisateurs, l'initiative “Un avion pour l'Irak” constitue un soutien implicite à Saddam Hussein, dans la mesure où aucune allusion n'est faite à ses crimes et à ses exactions. Il est étonnant que des personnalités attachées aux droits de l'homme apportent leur appui à une initiative ambiguë. L'aveuglement des uns, l'antiaméricanisme primaire des autres n'autorisent pas à passer sous silence la terreur que fait régner Saddam Hussein, ni à oublier son écrasante responsabilité dans la tragédie vécue par son peuple. En refusant de coopérer avec l'ONU, il n'a cessé de retarder la levée de l'embargo. Faisant preuve d'une obstination criminelle, il n'a consenti qu'en avril 1996 à la formule “pétrole contre nourriture”. Autocrate brutal et cruel, il pressure ses compatriotes, piétine les libertés, élimine toute résistance. Le dernier rapport d'Amnesty International énumère les violations des droits de l'homme perpétrées en Irak: arrestations arbitraires, tortures systématiques infligées aux prisonniers (comme la falaqa, qui consiste en coups violents assénés sur les pieds), expulsions de familles kurdes, exécutions sommaires, épuration des régions chiites, assassinats de dirigeants kurdes... De son côté, un service spécialisé des Nations unies fait état de plus de 16 000 cas de disparitions forcées.

Au lieu de risquer de se compromettre avec un régime criminel, œuvrons plutôt à la réinsertion d'un Irak pacifique, stable et prospère au sein de la communauté internationale. Pour que soit enfin levé cet embargo inhumain, pour que cessent les souffrances du peuple irakien, soutenons les efforts du gouvernement français qui préconise un système d'examen global du désarmement de l'Irak. C'est assurément le meilleur moyen pour que puissent voler, non pas un, mais des avions pour l'Irak. François Loncle, député PS est président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Article paru dans Libération le 29 septembre 2000.